mardi 12 juillet 2011

Sur les traces des anciens

PAROISSE SAINTE FAMILLE D'ADJARRA 
De 1901 à nos jours... 

Ce texte, initialement,
a été rédigé par le père Toni Antun STEFAN qui,
alors Curé de la Paroisse ste Famille d’Adjarra,
a préparé avec dévouement, générosité et dextérité,
le centenaire de la dite paroisse en Septembre 2001. 
Il a été mis à jour par Rodin Chrysal SEDAGONDJI.

Introduction
Le Bienheureux Pape Jean XXIII, lors de son homélie le jour de la Pentecôte 1942 en Grèce, parlant de l’Eglise, avait dessiné l’archétype d’un évêque : les Evêques sont les « hommes de Dieu et hommes du peuple, toujours enseignant, dirigeant, bénissant, sanctifiant, consacrant ; témoins et créateurs de cette jeunesse éternelle, de l’Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique qui ne craint pas les dangers et les contradictions, qui n’oublie pas son passé, parce qu’elle sait comment trouver dans le passé la certitude de maîtriser l’avenir, dans le Saint Esprit qui est ‘Seigneur et qui donne la vie’ ». C’est « sa philosophie de l’histoire ». Elle implique le paradoxe suivant : il faut revenir en arrière pour aller de l’avant (…)[i].

Pour aller de l’avant, il faut revenir en arrière
La démission[ii] de Mgr Melchior de Marion Brésillac au poste d’évêque de Coïmbatour a été provoquée par le refus de Rome de se déterminer par rapport au problème des castes dans la question du clergé indigène. Mais le Seigneur, le Maître de l’histoire, savait déjà où le zélé missionnaire allait partir. Il avait l’audace de discuter son poste parce qu’il aimait l’Eglise, et il a été conscient de sa responsabilité. Le Bon Dieu ne pouvait pas non plus rester résigné face à un tel apôtre. D’ailleurs parmi ses premiers disciples, il en comptait de semblables. Il n’avait pas peur de ces courageux hommes, parce qu’il en fallait pour la cause de l’Evangile. Notre Seigneur en était fier.
Dans un monde férocement critique et partisan, certains s’irritent de la façon dont il parait exigeant par rapport aux controverses de la mission. Il est vrai, il est si différent de ce que l’on peut trouver ailleurs. Il fait entrevoir une façon engagée et courageuse de considérer les événements et les exigences des missions de son époque. Cette façon de considérer le monde, c’est sa « philosophie de l’histoire ». Dès janvier 1856, il s’offre pour fonder la mission de Dahomey. Malgré son désir ardent d’aller évangéliser le Dahomey, les autorités, en le nommant à une nouvelle charge, ne lui ont pas confié le Dahomey, mais la Sierra Leone. C’est à Freetown, le 25 Juin 1859 qu’il va succomber à l’âge de 46 ans avec quatre de ses compagnons. Il n’a pas été compris. Mais le sacrifice de sa vie sur la terre africaine fera naître un mouvement apostolique d’évangélisation. Il a obéi et il a été trouvé juste. Il a été considéré comme «un trop explosif »[iii], mais, nous dirons, un homme plein d’enthousiasme, d’un caractère fort, tout à l’image de son Maître.  Trois de ses fils spirituels, prendront la direction du Dahomey : les Pères Francesco BORGHERO, Francisco FERNANDEZ et Louis AIDE, respectivement italien, espagnol et français, tous membres de la Société des missions africaines. Malheureusement, Louis AIDE n’arrivera jamais à destination avec ses compagnons. Les contraintes de la navigation encore précaires, la rigueur du climat et les maladies tropicales lui auront coûté la vie. Les deux autres, que la Providence nous a réservés, vont accoster sur les rives de Ouidah, le 18 Avril 1861. Les Pères Francesco BORGHERO et Francisco FERNANDEZ.
Si un jour  la route vous conduit à Ouidah, cherchez à allez au bord de l’Océan Atlantique, à la plage. Là, vous verrez une grande croix plantée dans le sable[iv] et sur elle ces mots : « en souvenir de nos pères dans la foi. » D’autres, de nombreux autres, les suivront…  Il n’est pas permis de les oublier[v]. « C’est une histoire que nous ne devons pas oublier ; elle confère à l’Eglise locale la marque de son authenticité et de sa noblesse, sa marque comme ‘apostolique’. Cette histoire est un drame de charité, d’héroïsme et de sacrifice, qui fait la grandeur et la sainteté de l’Eglise d’Afrique (…) »[vi].

Cette belle terre d’Adjarra
Quarante ans plus tard, en Mars 1901, le Père Camille BEL entrera à Adjarra[vii], envoyé de Tokpo (NIGERIA) par Mgr Paul PELLET, évêque de Lagos, pour y fonder la mission catholique[viii]. Le Père Camille BEL est le Père fondateur de la paroisse d’Adjarra. Ainsi donc, après la mission de Porto-Novo en 1864, et celle de Kétou en 1897, le Bon Dieu a pensé à Adjarra où il étendra sa tente. En ce temps là, Porto-Novo et sa banlieue dont Adjarra est le plus important marché, et tout le territoire Holli Kétou (Hollidjè) dépendaient, au point de vue de la juridiction ecclésiastique de l’évêque de Lagos Mgr Paul PELLET[ix]. Celui-ci avait déjà envoyé le zélé père Bel fonder Kétou en 1897[x]. Le choix d’Adjarra comme station principale à 8 kilomètres seulement de Porto-Novo a justifié par la suite la clairvoyance apostolique de ses fondateurs[xi]. Le Père Bel fixa son choix pour la construction de la future mission sur un terrain situé tout à côté du grand marché. D’abord le Roi de Porto-Novo, Toffa, fit don du terrain. Ensuite un commerçant de nationalité espagnole Monsieur Joaquim Gonçalves GARRIDO versa généreusement au Père Bel de quoi subvenir aux frais de construction d’un premier immeuble qui servirait à la fois d’habitation au Père, au maître d’école indigène, de sacristie, de chapelle et de dortoir pour les enfants »[xii].
Le 15 Mai 1901, un décret de Rome érigeait le Vicariat Apostolique de Ouidah, avec Mgr Louis DARTOIS[xiii] comme premier titulaire. Porto-Novo, Kétou et Adjarra étaient alors rattachés à la nouvelle juridiction[xiv].
« En débarquant à Cotonou fin Octobre de la même année, Mgr Dartois se rendit à Porto-Novo. Le Père Bel qui l’y attendait le conduisit chez le roi Toffa, pour obtenir que celui-ci confirmât la donation qu’avait faite Tokpo, roi d’Adjarra, d’un terrain à la mission. Le roi Toffa délégua un de ses laris, et en présence de Tokpo et de Antonio Sant’Anna qui servait d’interprète, et du Père Bel, et sans doute de Mgr Dartois lui-même, le terrain où se trouve actuellement la mission fut délimité. La concession en fut officiellement accordée quelques mois plus tard par le Gouverneur Liotard, qui, en la même année 1902, remit au père Bel une somme de 2000 F pour ouvrir une école dite de fils de chefs. En réalités, les chefs donnaient des enfants à l’école,  mais pas les leurs»[xv].
« Quelques mois plus tard, le R. P. Bel a reçu une aide, le R.P. Geslinier, et il fut nécessaire de construire une deuxième maison (…). A la grande stupéfaction des indigènes, ils s’improvisaient simultanément maçons, charpentiers, peintres et que sais-je encore ! Après la construction du premier immeuble, le père s’était occupé du recrutement des enfants pour l’école, car, ici comme dans toute l’Afrique, c’est par la jeunesse qu’il faut commencer. Inutile de dire que ce recrutement fut un peu dur, mais enfin, on arriva à une cinquantaine. L’école fut fondée[xvi] et la mission de Saint Joachim[xvii] d’Adjarra lancée (Deo Gratias)[xviii]. »
« Il était réservé au père Bauzin d’en construire la maison d’habitation et l’église. La première pierre de la nouvelle église d’Adjarra (première paroissiale) en l’honneur de la Sainte Famille, sera bénie et posée, le 08 novembre 1912. Sept mois plus tard, le 15 juin 1913, elle sera consacrée par son excellence Mgr François STEINMETZ. Cette église est l’une des plus artistiques de tout le Vicariat. Elle fait toujours l’admiration des visiteurs, par l’harmonie de ses proportions, la perfection de son acoustique, la fine et délicate beauté de ses décors et ornementations. »[xix]
« Lors de la consécration, Mgr François STEINMETZ, Vicaire Apostolique du Dahomey, étaient assisté par les pères Paichoux, supérieur de Porto-Novo et Bauzin, supérieur de la mission d’Adjarra, le premier faisant office de diacre, le second de sous-diacre. Après la bénédiction, Monseigneur chanta la Messe Pontificale à la fin de la quelle il donna la bénédiction papale. Etaient aussi venus les Pères Colineaux, Supérieur de Cotonou, Aupiais et Gauthier, tous deux de la mission de Porto-Novo. Les Pères de Porto-Novo avaient amené plus de mille de leurs chrétiens. Un grand nombre de païens d’Adjarra étaient venus aussi, attirés par la curiosité. Le soir, à la bénédiction au Très Saint Sacrement, Monseigneur donna la Confirmation à trente et un nouveaux chrétiens dont un venu de Porto-Novo nommé Florence Pereira (…)[xx].
Dès lors, le Seigneur ne cessera d’accompagner ses ouvriers dans l’œuvre immense de l’évangélisation. 

Les Supérieurs de la paroisse d’Adjarra
En 1951, Son Excellence Mgr Louis PARISOT visitera notre paroisse lors de son cinquantenaire. En voici quelques échos : « la cérémonie jubilaire du cinquantenaire a été anticipée, pour qu’elle coïncidât avec la fête patronale qui est celle de la Sainte Famille. La période de disette dans laquelle nous sommes entrés, invite cette année à resserrer le plus les dépenses. Aucune invite n’ayant été faite à l’extérieur, c’est seulement la population d’Adjarra et celles de ses stations secondaires : Gbozounmè, Gbèdjèhouen, Kouti, Mislété, Katagon, Sado, Avrankou, Vayon, Atchoukpa, Gbagla-Ganfan, qui vinrent participer à la Messe Pontificale, célébrée par Mgr Parisot, en plein air, sur la place de l’église, le dimanche 07 Janvier (1951). Les deux tiers de la place étaient remplis par une foule d’environs deux milliers de personnes. De nombreux païens, voire des féticheurs étaient là. L’autel était sous le porche de l’église. Un vaste apatam de branches de palmiers recouvrait tout le chœur. C’est Monseigneur qui fit le sermon. Il rapprocha d’abord les trois festivités du jour : 1) L’Epiphanie ou manifestation de Jésus-Christ aux païens ; 2) La Sainte Famille ou la merveilleuse transformation des familles et des peuples par la foi chrétienne ; 3) Le mémorial de l’arrivée des missionnaires chez un peuple païen, sous l’égide de la Sainte Famille. Il retraça brièvement l’histoire des cinquante années d’apostolat, s’attachant à mettre en radieuse lumière, c’est-à-dire presque dans une « auréole », les figures des trois plus insignes fondateurs : Mgr P. PELLET, le R. P. Camille BEL, le R. P. Adrien BAUZIN. » Ceux, dit-il, qui les ont connus et sont encore ici savent que je dis la vérité et pourraient affirmer avec moi qu’on a vu Dieu parler, agir et bénir avec ces hommes-là, car ils ont été avant tout et éminemment des « hommes de Dieu ». Il donna quelques chiffres aussi : 2900 baptêmes à Adjarra même, sans compter ceux des stations secondaires ; 198 mariages, chiffres très appréciables lorsqu’on pense aux travaux de défrichement, aux travaux d’approche, aux lutte du passé ; chiffres qui n’apparaissent qu’humbles prémices, lorsqu’on envisage l’avenir en notant le mouvement grandissant de sympathie du monde païen envers le catholicisme. Monseigneur a évoqué aussi parmi les bons ouvriers de la Mission les noms et les figures restés très populaires du père BARREAU, mort à Zangnanado en septembre dernier (en 1950), et du maître Pierre Claver DOSSOU[xxi] qui passa pour ainsi dire toute sa vie à Adjarra comme maître d’école et catéchiste, de 1902 à 1945, date de sa mort. Il était titulaire de la médaille pontificale « bene merenti ». Après la messe, la foule se disloqua pour se ramasser par groupe autour des tam-tams, lesquels, ici, ne sont pas stationnaires, mais se déplacent comme les anciens quadrilles ou tournent en rond, et finalement, l’un après l’autre, s’en vont, roulant un flot humain agité et bruyant (…)[xxii] »
Les pères Jacques SICARD, avec la grâce de Dieu, aidé par ses amis de France, et soutenu par le labeur du peuple d’Adjarra, bâtira notre église d’aujourd’hui dans les années soixante-dix, avec grande joie et l’esprit missionnaire. Elle subira beaucoup de modifications architecturales et les travaux de finition qui seront réalisés, avec adresse et finesse, par le père Toni Antun STEFAN[xxiii]. Monseigneur Vincent MENSAH la consacrera, le samedi 28 décembre 1996.

Les vocations spirituelles de la paroisse
Pendant cent ans, la paroisse d’Adjarra n’a eu que deux prêtres. Il s’agit des pères Pierre DJOSSOU (de vénérée mémoire),  et Vincent NOUDOGBESSI, actuellement aux études à l’UCA – Section d’Abidjan. Heureusement, en cette année jubilaire 2001, lors de la fête du 1er Septembre, son Excellence Monseigneur Léon Honorat Marcel AGBOTON ordonnera prêtre, pour le service du peuple, un troisième fils d’Adjarra, en la personne de l’Abbé Dominique HOUNGBO. Dès lors, ce fut une nouvelle page dans l’histoire des vocations à Adjarra, qui s’écrira en lettres d’or. Car, de 1901 à 2010, nous comptons 10 fils d’Adjarra que le seigneur a appelé à son Saint Service. Il s’agit des pères Bertin FATOUMBI (aux études à Rome), Marcel GANDONOU (Professeur au Séminaire Philosophat Saint Paul de Djimey), Martin CHOGNIKA (aux études en Espagne), Maurice GBATODONOU (administrateur de Daagbé), Alexis GBEWADINOU (Secrétariat de la Conférence Episcopale du BENIN), Benoît ODOUNSI (Censeur au Collège Catholique de Pobè), Michel GANDONOU (Vicaire à la cathédrale de Porto-Novo), Pascal KITINKANLIN (Vicaire à la paroisse Ste Claire de Pobè), Maxime NOUMONHESSI (Vicaire à la Paroisse des Sts Martyrs de l’Ouganda de TOKPOTA), Bernardin Marie Josué MAFORIKAN (Vicaire à la paroisse st Joseph de HONDJI), Bernard HOUNVIO (Vicaire à la paroisse st André de BANIGBE), Grégoire VISSIKOMON (Vicaire à la paroisse Sts Pierre et Paul de Porto-Novo), Alexandre DJIVOEDO (en service en CROATIE).
Notre paroisse compte un certain nombre de religieuses. Nous voulons nommer les Sœurs Paul Marie NOUKONHEFLIN, Bertine KPOSSOU, Julienne OUSSOU, Georgette BOKO, Marguerite HOUNKPETIN, Raymonde VINDINHOUEDE, Emilienne NOUDOGBESSI, Léontine CHOGNIKA, Camille HOSSOU, Marguerite AGBA, Rachel TOGBE, Marie-Laure HOUMBIE, Léontine GAYET, Lydie DJIVOEDO, Julienne KOUTON et Carole HOUNSOU.
Nous avons aussi un religieux, le frère Jean de Dieu AGBA (de la Congrégation des Frères de Saint Jean de Dieu).
Par les liens parentaux, nous avons la grâce d’avoir près de quatre prêtres religieux : le Père Eugène GOUSSIKINDE (sj), le Père Raoul AYIOU (Camillien) le Père Roger MEDJI (Eudiste) et le Père Raoul (…) (cap). Et une sœur, la Sœur Henriette GOUSSIKINDE (SSA).

Adjarra : paroisse mère
La vitalité et le dynamisme d’une paroisse se traduisent, entre autres, par sa capacité d’extension. C’est ainsi que, de la paroisse d’Adjarra, sont nées trois autres paroisses : Saint Hubert de Missérété en 1968, Saint Michel d’Avrankou le 1er Novembre 1989, la paroisse Saint Bernard de Malanwi, le 15 Octobre 1995, la paroisse Notre Dame de Lourdes d’Atchoukpa, la paroisse Immaculée Conception de Médédjonou en septembre 2007, la paroisse Sacré Cœur de Wadon le 13 Septembre 2009.

(A suivre…)


[i] HEBBLETHWAITE Peter, Jean XXIII, Le Pape du Concile, Bayard, Paris, 2000, pp. 204 ss
[ii] DUPUIS Paul-Henry, Le temps des Semeurs (Tome I), Notre Dame, Cotonou, 1998, p. 48
[iii] Sur la vie de Mgr Melchior Marion de Brésillac, cf : BONFILS Jean, La Mission Catholique en République du Bénin, Karthala, Paris, 1999, pp. 40-41
[iv] Peut-être pour nous proposer une méditation sur la fragilité de la vie humaine, mais aussi nous souvenir que ceux qui vivent de la foi auront une descendance nombreuse comme le sable au bord de la mer.
[v] ADOUKONOU B., Jalons pour une théologie africaine, Dessain et Toltra, Paris, 1980, Tome I, pp. 95-97.
[vi] Pape Paul VI en Ouganda, en 1969, in : Documentation Catholique, du 07 Septembre 1969, n° 1546, p. 764, cité par : ADOUKONOU B., Jalons pour une théologie africaine, Dessain et Toltra, Paris, 1980, Tome I, p. 98
[vii] Le 12 février 1918, à Ouidah, retour à Dieu du Père Camille BEL, que l’on a appelé « Le saint du Dahomey ». Né le 16 Juin 1850, à Cossiou, Diocèse de Grenoble, Camille Bel fit la guerre de 1870 comme sergent, souffrant du froid et de la