dimanche 26 juin 2011

Le Révérend Père Camille BEL, Fondateur de la Paroisse d'Adjarra

LE REVEREND PERE CAMILLE BEL,
LE « SAINT DU DAHOMEY »
Fondateur de la Paroisse d'Adjarra[1]
Père Camille BEL, ADJARRA 1901-1904
« En souvenir de nos pères dans la foi » 
Ces mots, qui ornent gravement la croix  monumentale plantée dans le sable à la plage de Ouidah, sont comme un devoir de mémoire, un signe de reconnaissance à l’endroit de ces héros qui nous ont apporté la foi. Eux tous, chacun pour sa part, nous ont laissé des témoignages épatants, d’une vie austère, rigoureuse centrée sur Jésus-Christ, leur seul guide et leur motif de vivre. Le Père Camille BEL, est l’un de ces vaillants martyrs qui, déjà de son vivant a été surnommé le « saint du Dahomey » par les autochtones, séduits et charmés par l’exemplarité de sa vie, tant il portant haut le flambeau de sa foi.
Né le 16 Juin 1850, à Cossiou, Diocèse de Grenoble (France), Camille BEL fit la guerre de 1870 comme sergent, souffrant du froid et de la faim, et surtout de la honte de la défaite. Ce souvenir d’humiliation lui restera jusqu’à la fin de sa vie. Il le rappellera même, pendant les derniers jours de sa vie. Entré aux Missions Africaines en 1878, il prêta serment le 21 Novembre 1879 et fut ordonné prêtre le 28 Août 1881. Un an plus tard, en Novembre 1882, il s’embarquait à Marseille pour le Vicariat de la Côte du BENIN. Il fut d’abord affecté à Tokpo au Nigéria, puis pour quelques mois à Agoué. C’était l’époque où le père Ménager bâtissait la jolie tour de l’Eglise. Que de fois le Père BEL monta sur les échafaudages pour surveiller colonnettes et rosaces ! En 1883, au moment de l’érection de la préfecture du Dahomey, dont le centre était Agoué, le père BEL était de retour à Tokpo où il aidait le père Landais à la plantation. « En cultivant cocotiers et cacaoyères, je faisais mon devoir », disait-il bien souvent. La plantation et la ferme de Tokpo étant dirigées selon un plan et une méthode, les moissons furent satisfaisantes. Malgré tout, les deux missionnaires donnaient le meilleur d’eux-mêmes pour maîtriser et travailler le sol, rivalisant d’ardeur pour dompter soleil et humidité. Grâce à leur tempérament exceptionnel, leur dévouement et surtout leur abnégation, ils réussirent là où d’autres avaient échoué. Le Seigneur était avec eux, et bénissait leurs efforts.
L’année 1888 s’estompait quand le Père Bel rentra en congé. En Avril 1889, il accompagna les Pères Chausse et Terrien à Rome. Peu après, le Père Bel regagna sa mission et les activités reprirent de plus belle. D’autres champs de mission l’attendaient. En 1897, Monseigneur Paul PELLET, alors Evêque de Lagos au Nigéria envoya le Père Bel à Kétou. Quatre après, nous sommes en Mars 1901, le même évêque Mgr Pellet l’envoya fonder la mission catholique d’Adjarra.
En réalité, le Père Bel n’a pas été le premier missionnaire à fouler le sol d’Adjarra. Le père Francesco BORGHERO y était déjà passé en Octobre et en Novembre 1864. Le 22 juillet 1868, les pères Claude VERMOREL, Jean-Eugène BOUCHE (son frère Pierre-Bertrand BOUCHE était supérieur à Ouidah) et Jean-Joseph VERDELET y étaient passés également. Mais c’est le père Camille Bel qui fut le premier officiellement envoyé à Adjarra et qui, aussi, le premier missionnaire à aimer véritablement cette belle terre de mission. Ces deux stations, Kétou et Adjarra (il venait de quitter l’une pour l’autre), faisaient partie du Vicariat du Bénin. A l’érection du Vicariat du Dahomey, le 15 Mai 1901, le Père Bel passa à ce nouveau Vicariat, et fut nommé à Zangnanado. Mais cette localité était très peuplée et il fallait aussi une autre stratégie de mission, une autre méthode d’évangélisation. Tout de suite, le père Bel y bâtit une grande chapelle que l’Abbé Kity a reconstruira en 1938. Afin de construire cette chapelle, le Père Bel qui avait déjà passé la cinquantaine d’âge, pétrissait lui-même de ses pieds nus, la terre de barra. L’administrateur Monsieur Mariac qui passait par là, ne fut pas indifférent à cette attitude du père et il réagit vivement : « Mon Père, lui dit-il, je vous défends de continuer ainsi, c’est à vos ouvriers de pétrir cette terre. Vous êtes âgé, vous ne pouvez faire ce travail. Cessez, je vous en prie ! »
Mais notre père missionnaire, avec son humour raffiné répondit à Monsieur Mariac : « C’est bien, mon commandant ; l’évangile dit : rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, j’obéis. »
De Zangnanado, le père Bel écrivait en 1910, à Monseigneur Pellet, son supérieur qui était encore en mission au Nigéria : « Arrivé en mission, ce n’est pas suffisant de pérorer. En effet, On instruit les âmes par la parole,  dit le bienheureux Père Chevrier, votre premier supérieur, mais on les sauve par la souffrance » et, en homme d’expérience, il dit encore : « Le maître est bon, mais juste, il faut payer les grâces qu’il donne, et pour obtenir de grandes grâces, il faut les acheter. » Tout ces propos témoignaient du goût que le père Bel avait le travail manuel, et aussi ses ascèses et ses mortifications. Le père regrettait surtout le temps qu’il a perdu, et pourtant, il y aurait dans sa vie de quoi remplir plusieurs existences. « Je ne suis qu’un soldat de carton, rempli d’amour-propre », écrivait-il. Ces qualités de missionnaire, de témoins du Christ plongé dans la foi et dévoué pour mission nous retracent les qualités morales et spirituelles d’un homme de Dieu que les autochtones surnommeront bien volontiers le « saint de Dieu », certainement à cause de son exemplarité de vie. Mais, qu’en est-il de son portrait ?
Le Père Pélofy nous présente le Père Bel comme un homme de haute taille, de bonne force physique. Il avait le sourire au coin des lèvres, et une pointe de fine malice dans ses réponses. C’était un austère et saint missionnaire, rigoureux avec lui-même jusqu’à l’extrême. Il ne dormait jamais dans un lit et sous une moustiquaire. Toute la nuit, à Zangnanado, où les moustiques sont « féroces », il se promenait dans sa chambre en priant Dieu. La fatigue était-elle trop forte, il s’allongeait sur une chaise longue, priait encore, sommeillait une heure à peine et reprenait sa promenade priante. Seul, il se contentait d’une nourriture pauvre. Recevait-il quelqu’un, la table était généreuse. A plus de 60 ans, il ne craignait pas d’aller à vélo jusqu’à Abomey, distant de 70 km, pour visiter le père Vacheret. « Vous vous tuez, Père bel » lui disait-on. « Vie dure fait vieillir », répondit-il en souriant.
Il passa les derniers temps de sa vie à Ouidah. C’était alors la guerre de 1918. Il ne lisait plus les journaux, qui fatiguaient sa vue et son esprit. Le grand âge et la maladie commençaient à avoir raison de lui. « J’ai fait, disait-il, l’autre guerre, quand j’étais jeune. Je suis trop vieux pour suivre celle-ci, qui est trop longue ; je prie Dieu pour la France, et je fais avec le Diable une guerre qui ne finira qu’à ma mort. » Le 12 Février 1918, à Ouidah, le Père Camille BEL rendit l’âme, complètement usé, ne se reposant jamais de travailler, de prier et de souffrir.
La note dominante de sa vie, fut une constante fidélité, à tous ses exercices de règle, et cela, dans une vie essentiellement active.

Rodin Chrysal SEDAGONDJI


[1] Cette biographie a été rédigée d’après les notes du Cahier N° 1 de la Société des Missions Africaines